Par Marie DESNOS leJDD.fr
Mercredi, Jean-Marie Colombani doit remettre à Nicolas Sarkozy un rapport sur la redynamisation de l'adoption, en baisse de plus de 20% en 2007 par rapport à l'année précédente. Marie Hélène Theurkauff, et Christiane Sébenne, membres de l'association Enfance et Familles d'adoption ont confié au JDD.fr leur vision de la situation actuelle de l'adoption en France et leurs espoirs.
L'adoption en France a baissé de 20% en 2007. Mercredi, Jean-Marie Colombani doit remettre à Nicolas Sarkozy un rapport sur la redynamisation de l'adoption. Il doit contenir une trentaine de propositions sur la question. Marie-Hélène Theurkauff, membre de l'association Enfance et Familles d'adoption, spécialiste de l'adoption internationale, et Christiane Sébenne, en charge de la communication et membre du conseil d'administration de l'association, expliquent que la chute de l'adoption est due davantage à la baisse du nombre d'enfants adoptables qu'à un dysfonctionnement du système.
Qu'attendez-vous du rapport Colombani?
Marie-Hélène Theurkauff: Lorsque nous avons été auditionnés par Jean-Marie Colombani, nous l'avons principalement interpellé sur l'adoption des enfants sur le territoire français. Cela ne faisait pas partie de sa mission, qui se concentrait sur l'adoption internationale, mais nous estimons qu'elles sont indissociables et espérons qu'il tiendra compte de notre remarque. Mis à par ça, nous nous attachons plus à des propositions sur la préparation des familles d'adoption que sur l'augmentation de l'adoption. Car cette baisse des chiffres est peu en rapport avec l'efficacité des organismes français. Seuls 3 162 enfants ont en effet été adoptés par des Français en 2007, soit une baisse de 20,5% par rapport à 2006.
Comment expliquez-vous ce repli ?
MHT: Il y a tout simplement moins d'enfant adoptables. La baisse de l'adoption n'est pas propre à la France mais à tous les pays d'accueil. Elle s'explique par l'évolution des pays comme la Chine, qui maîtrisent mieux leurs naissances, dont les mères isolées sont moins rejetées qu'avant, ou encore qui s'ouvrent à l'adoption nationale. La Lettonie constitue un exemple typique. Elle a intégré l'Union européenne, son niveau de vie augmente, les Lettons commencent à adopter. Et à adopter les enfants que l'on adoptait en France il y a 5-10 ans: des enfants en bas âge. De fait, ce sont autant d'enfants que les Français et les autres pays d'accueil ne pourront pas adopter.
Christiane Sébenne: Il faut avoir conscience de l'évolution du paysage de l'adoption. Il y a aujourd'hui beaucoup plus de demandes que d'enfants adoptables ou proposés en adoption. En France, il est très difficile d'adopter un bébé. Nombreux sont les Français qui ne veulent ou ne peuvent faire évoluer leur projet en adoptant un enfant plus grand et se tournent par conséquent sur l'étranger. Parallèlement, certains pays se sont ouverts à l'adoption nationale. Leurs ressortissants sont donc prioritaires et cherchent souvent, eux aussi, à adopter un enfant en jeune âge. Résultat: de nombreux agréments sont délivrés sans que la procédure n'aboutisse car le couple n'a pas réussi, ou a renoncé à accueillir un enfant. Il ne faut pas perdre de vue que l'adoption n'est pas un marché! Personne n'a de droit à l'enfant.
Vous dites qu'il y a plus de demande que d'enfant adoptable. N'est-ce pas le critère d'"adoptabilité" qui est à revoir ?
CB: Il y a une confusion à proscrire absolument: c'est l'amalgame entre humanitaire et adoption. Les gens pensent souvent que parce qu'il y a plein d'enfants malheureux, qui ne mangent pas à leur faim et vivent dans de mauvaises conditions, il y a forcément plein d'enfants adoptables. Mais cela est faut. Il ne faut en outre pas perdre de vue le fait que beaucoup d'entre eux ont des familles. Les parents qui partent du principe qu'en adoptant, ils vont sauver un enfant, se trompent à mon avis d'optique.
Cette baisse de l'adoption est donc irrémédiable?
MHT: On peut évidemment essayer d'être un peu plus efficace sur certains points mais les enfants adoptables, on ne va pas les inventer! Cela parait logique et pourtant certains ne comprennent pas qu'il n'y ait pas plus d'enfants à adopter. On ne va pas dire aux pays d'origine: "Donnez-nous plus d'enfants"! Seule la moitié des couples détenant un agrément se voient confier un enfant.
Pourquoi un tel décalage?
MHT: Il faudrait que les agréments soient plus en adéquation entre la demande des parents et la réalité. Aujourd'hui, je caricature mais environ 80% des agréments sont accordés pour des enfants de moins de quatre ans et en bonne santé. Or, cela ne correspond pas à la réalité des enfants disponibles à l'adoption! Alors certains parents ayant des demandes très serrées (moins de deux ans, blond aux yeux bleus) ne concrétisent jamais leur démarche. D'autres, et certains psychologues l'expliquent très bien, n'utiliseront jamais leur agrément car ils avaient juste besoin de s'entendre dire qu'ils pouvaient être parents. Aujourd'hui, environ 28 000 agréments sont en cours de validités (ils sont valables cinq ans).
Pourquoi l'Agence française de l'adoption, crée en 2005, n'a-telle pas atteint les objectifs escomptés? Que pourrait-elle faire pour redynamiser l'adoption?
MHT: Le principal problème de l'AFA relève de l'écoute des familles. Nous lui avons demandé de mettre en place un service de proximité; ce qui a été fait, mais de manière plus ou moins efficace selon les départements. Des groupes de paroles ont aussi été instaurés à Paris, mais cela ne suffit pas. Elle a également été victime d'un effet d'annonce. On a promis que sa création allait révolutionner le système adoptif, mais nous avons dès le départ souligné qu'elle ne pourrait pas faire de miracle! Les progrès que l'AFA a à faire sont vraiment davantage de l'ordre de la communication que des chiffres.
Que faire pour réduire le délai entre le dépôt de dossier et l'accueil d'un enfant, qui est d'en moyenne de deux ans et demi?
MHT: Il varie énormément d'un pays à un autre. A Haïti, on propose très vite un enfant aux parents souhaitant adopter mais le délai est ensuite très long. En Lettonie il est très difficile d'adopter un enfant mais à partir du moment où on a le feu vert, il met trois mois à arriver dans la famille d'accueil. En Colombie, il y a en moyenne deux ans d'attente avant d'avoir une réponse car ils ont énormément de dossiers à étudier. Au Burkina Faso, pour éviter que les dossiers ne s'accumulent, que les listes d'attentes s'allongent indéfiniment - ce qui ne rime pas à grand chose - ils limitent le nombre de dossier. Ce qui est assez efficace. A Haïti, nous pourrions par exemple essayer, en coopération avec les autorités locales, de faire en sorte que dès lors qu'un enfant adoptable est attribué à une famille, il lui soit concrètement donné dans les six mois. Dans ce cas précis il n'y a aucune raison d'attendre deux ans.
Certains reprochent à la convention de La Haye - qui insture le principe de subsidiarité - de peser sur le dynamisme de l'adoption?
CB : Je ne pense pas qu'il faille voir les choses de cette manière. La convention sert surtout à poser un cadre juridique à l'adoption. Et n'oublions pas que ce principe a été instauré pour le bien de l'enfant: privilégier l'adoption au sein du pays d'origine de l'enfant vise à ne pas l'éloigner de sa culture.
MHT: Le principe de subsidiarité ne freine pas l'adoption il oblige juste - et c'est la moindre des choses - à regarder en interne avant de se tourner vers l'adoption internationale. Et certains pays, comme la Russie ou l'Ukraine, qui ne sont pas soumis à la convention de La Haye, appliquent d'eux-mêmes ce principe. Car il va de soi.
Source : JDD
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