Sa mort survient au moment où vient de s'ouvrir, jeudi, au Musée des beaux-arts de Montréal, l'exposition-rétrospective consacrée à son oeuvre.
Né le 1er août 1936 à Oran, ville qu'il décrivait comme "étincelante dans un patchwork de mille couleurs, sous le calme soleil d'Afrique du Nord", Yves-Mathieu Saint Laurent s'est très tôt intéressé à la mode parisienne, reproduisant alors les modèles trouvés dans les magazines de mode de sa mère. En 1953, à tout juste 17 ans, c'est une annonce parue dans "Paris-Match" qui donnera le coup d'envoi d'une carrière flamboyante à laquelle il mettra un terme au faîte de sa gloire en 2002.
A la suite de cette annonce, l'adolescent dessinera alors trois croquis pour le concours annuel du secrétariat de la laine. Un concours dont des membres du jury ont des noms qui l'impressionnent, Balmain et Christian Dior en tête.
Le jeune homme remportera le 3e prix dans la catégorie "robe", qu'il ira chercher à Paris accompagné de sa mère. C'est aussi l'occasion d'une première rencontre avec Michel de Brunhoff, figure emblématique du magazine "Vogue", qui insistera pour que cette jeune pousse au talent prometteur passe son baccalauréat, avant d'intégrer en octobre 1954 la prestigieuse école de la Chambre syndicale de la haute couture. La même année, il reçoit le premier et le troisième prix du même concours du secrétariat de la laine.
Manifestement doué, le jeune Yves Saint Laurent s'ennuie ferme pendant les cours. Son père s'en inquiétera et fera pression sur Brunhoff pour qu'il reçoive son fils. Signe d'un destin tracé d'avance? Les nouveaux croquis de l'étudiant bouillonnant sont de la même veine que la collection "A" de 1955, que prépare justement Dior.
Tout va alors très vite, Yves Saint Laurent est embauché comme styliste chez Dior, sans même avoir terminé son apprentissage, qui aura duré trois mois.
Le succès de la maison Dior fait d'Yves Saint Laurent un collaborateur de plus en plus précieux. Quelques jours avant son décès d'une crise cardiaque en 1975, le "maître" Dior confiait à la mère du jeune prodige: "Yves sera mon successeur". En novembre 1957, Yves Saint Laurent, alors âgé de 21 ans, prend la tête de la création de l'illustre maison Dior.
"Dior m'avait appris à aimer autre chose que la mode et le stylisme: la noblesse fondamentale du métier de couturier", dira-t-il bien des années plus tard.
Le 30 janvier 1958, lors de sa première collection pour Dior, il dévoile sa fameuse ligne Trapèze et fait sensation au point que plusieurs rédactrices de mode fondent en larmes, alors que la presse internationale crie au génie. La même année, Yves Saint Laurent rencontre Pierre Bergé, qui deviendra son alter ego, en amitié comme en affaires. En 1960, l'ombre de la guerre d'Algérie viendra assombrir ce tableau prometteur. Mobilisé, Yves Saint Laurent est hospitalisé pour grave dépression. Remplacé par Marc Bohan chez Dior, il s'ensuivra un procès que Saint Laurent gagnera contre son ancien employeur pour rupture abusive de contrat. Ce passage à vide aura comme effet, en association avec son mentor Pierre Bergé, de donner naissance à sa propre maison de couture, Yves Saint Laurent.
De sa première collection en janvier 1962, au lancement de son premier parfum "Y" en 1964, en passant par les collections Mondrian ou Poliakoff (1965), la griffe Saint Laurent démarre en triomphe. Sacré "Roi de Paris" par "Women Wear's Daily", la bible de la mode, le styliste brille aussi par sa modestie, affirmant en avoir "marre de faire des robes pour des milliardaires blasées". S'ensuivront sur quarante années, une kyrielle de créations qui, toutes, deviendront des points de repère incontournables du vestiaire féminin. Il en est ainsi du smoking, du caban, de la chasuble, des cuissardes, du tailleur-pantalon, mais aussi de la première saharienne ou encore du premier jumpsuit, faisant du créateur, l'un des rares à tenir compte des exigences de la femme moderne.
Brisant les tabous, Yves Saint Laurent fut aussi le premier créateur de haute couture à créer une ligne de prêt-à-porter de luxe, baptisée "Rive Gauche", qui ouvrira en 1966 sa première boutique avec Catherine Deneuve comme marraine.
Pour ses collections, s'inspirera autant de "l'attrait de l'exotisme" que de nombreux artistes peintres à qui il rend régulièrement hommage, comme Picasso, Matisse, Bernard Buffet, Braque ou Bonnard. Quarante années de mode, ponctuées d'instants magiques, comme ce défilé au Stade de France, où 300 mannequins ont défilé en ouverture de la Coupe du monde de football en 1998. Un pari osé, pour lequel il souhaitait réunir dans une même harmonie le "masculin-féminin". La recherche d'un équilibre à laquelle il s'était attaché, autant qu'à la création pure, jusqu'à sa toute dernière collection présentée 12 juillet 2001. Six mois plus tard, il annoncera son départ du métier. Son discours d'adieu sera une ode à la femme contemporaine qu'il a en partie libérée. "Je me suis toujours élevé contre les fantasmes de certains qui satisfont leur ego à travers la mode", souligna-t-il. "J'ai, au contraire voulu me mettre au service des femmes. C'est-à-dire les servir." Tout était dit.
Source : l'actualité.com
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