Le scandale du lait frelaté n'aurait guère pu avoir lieu dans la Chine de Mao Zedong ni même de Deng Xiaoping : les produits laitiers, qui ne font pas partie de leur culture alimentaire, ne sont arrivés sur la table des Chinois qu'à la faveur de la politique d'ouverture.
L'élévation du niveau de vie, l'apparition de supermarchés qui se sont mis à offrir des gammes infinies de produits laitiers, de réfrigérateurs pour les conserver, de la publicité télévisée pour en vanter les vertus, et enfin la propagande gouvernementale pour des Chinois "plus forts" ont tout changé.
Il y a 20 ou 30 ans, les Occidentaux voyageant en Chine avaient bien du mal à trouver des produits laitiers et se rabattaient sur les yaourts bus à la paille dans des petits pots de grès gravés d'idéogrammes, qui se vendent toujours.
Mais ces dernières années, les rayons des supermarchés se sont remplis de montagnes de lait en poudre ou classique et de yaourts et boissons lactées. En brique, en berlingot, en bidon. De tous les parfums. Pour tous les goûts.
Le Chinois, qui consommait 1,2 kg (bien: kg) de lait par an en 1980, peu après le lancement de la politique de réformes de Deng, en a bu 26,7 kg l'an dernier sous Hu Jintao, selon le Bureau national des Statistiques - près de dix fois moins tout de même que les Occidentaux.
"Le lait est venu remplacer les boissons traditionnelles comme le porridge, le lait de soja ou la soupe de nouille", constate You Xiuzhen, une retraitée rencontrée au "Wonderful supermarket" de Pékin.
Au début des années 80, ce sont les Chinois des grandes villes qui se sont mis à en acheter: le litre de lait devenait presque un signe extérieur de richesse.
Puis le matraquage publicitaire des grandes marques de lait - dont les trois leaders du marché impliqués dans l'actuel scandale - a propulsé les ventes avec l'appui de vedettes du sport ou du cinéma éclatantes de santé.
En dépit de la prévalence en Chine d'une intolérance au lactose, les ventes de lait y ont progressé ces cinq dernières années de 128%, et celles de lait maternisé de 185%, selon Euromonitor International.
"Le secteur a cru d'une manière étonnamment rapide grâce au soutien du gouvernement", note Yang Fan, économiste d'Euromonitor à Shanghaï.
En 2006, le Premier ministre Wen Jiaobo déclarait: "J'ai un rêve: que chaque Chinois puisse s'offrir un litre de lait par jour".
Deux mois plus tard, Mengniu, poids lourd du secteur aujourd'hui sous les projecteurs du scandale, lançait, avec le soutien d'agences gouvernementales, une campagne de don de lait en zone rurale sous le slogan: "un litre de lait par jour rend le peuple chinois plus fort".
Après des décennies d'isolement communiste, l'ouverture de la Chine sur le monde a aussi favorisé la consommation de produits laitiers.
"Les mass médias ont fait entrer dans les foyers chinois, les idées, les produits et le style de vie des étrangers", notait en 2005 une étude de l'Université de l'Iowa.
Pour le lait en poudre qui a tué quatre bébés en Chine, les campagnes publicitaires, axées sur l'atout santé et la valeur en protéïne et minéraux du substitut, ont été redoutablement efficaces.
Les petits Chinois aujourd'hui ne sont plus guère à la soupe de riz ou au porridge de soja ou de sésame, mais souvent au lait en poudre bien au-delà de leur premier anniversaire.
La pression sociale et financière apportée par l'ouverture économique a aussi poussé, en zone rurale, des bataillons de femmes à recourir au substitut en poudre alors qu'elles allaient en nombre croissant chercher du travail dans les villes.
Pour sa part, la femme urbaine a vu dans le lait en poudre le moyen de rapidement retrouver la vie active et sa silhouette après l'accouchement.
Aujourd'hui à Shanghaï, 50% des mères nourrissent leur bébé au lait en poudre.
Source : Aujourd'hui la Chine - le 26/9/2008 à 18h43 par AFP
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