La Chine souffle ce mois-ci les 30 bougies de l'ouverture économique qui a apporté une croissance phénoménale, assis sa puissance diplomatique et radicalement transformé sa société sans faire la moindre brèche dans le monopole du Parti communiste.
C'est lors de son plénum du 18 au 22 décembre 1978 que le Parti communiste, conduit par "le petit Timonier" Deng Xiaoping, a entériné le lancement des réformes économiques de la Chine, un pays qui émergeait, groggy, du chaos de la Révolution culturelle et connaissait encore les famines.
Cette nouvelle "révolution", que le PCC a lancée en tâtonnant, commence par les campagnes avec la décollectivisation des terres puis la disparition des communes populaires.
Elle gagne vite les villes. Méfiant vis-à-vis de Shanghaï la rebelle, Deng choisit l'extrême sud de cet immense pays pour être le laboratoire des réformes.
"La méthode a été extrêmement originale, rappelle Jean-François Di Meglio, vice-président d'Asia Centre, on a fait des petits tests en laboratoire, à doses homéopatiques, en abandonnant tout dogmatisme".
Shenzhen --un village de pêcheurs-- Zhuhai, Shantou et Xiamen deviennent les premières Zones économiques spéciales (ZES).L'économie planifiée chinoise s'initie en zigzaguant aux mécanismes du marché et ouvre timidement la porte aux investisseurs étrangers. Deng lance ses "Quatre Modernisations" (industrie, agriculture, recherche, défense).
En 1992, il accélère le mouvement: lors d'une tournée dans le Sud, au prix de contorsions idéologiques, Deng apprend aux Chinois qu'il est "glorieux de s'enrichir" et qu'ils pourront le faire grâce à "l'économie socialiste de marché".
La Chine renonce à son utopie égalitariste: certains s'enrichiront avant les autres, qu'il appelle à la patience.
La croissance décolle, mais elle est paradoxale. "Globalement, la très grande majorité de la population a vu son niveau de vie s'améliorer et la société chinoise a offert des opportunités de mobilité sociale extrêmement fortes", relève Jean-Louis Rocca, chercheur du CERI en poste à l'Université Tsinghua de Pékin. "Mais il y a eu un accroissement considérable des inégalités sociales".
Le vrai tournant est pris dans le milieu des années 90, quand la Chine ose enfin démanteler son secteur d'Etat.
Des millions de salariés se retrouvent chômeurs, mais des entrepreneurs privés commencent à faire fortune. Des mégapoles sortent de terre, vitrines d'une croissance qui ébahit le monde.
Depuis 1978, le PIB par habitant double tous les neuf ans. Depuis 1990, la croissance annuelle a dépassé 10 fois les 10% et la Chine sera bientôt la 3e puissance économique mondiale.
Au plan diplomatique, une Chine fermée est devenue une puissance de plus en plus écoutée et intégrée qui définit le nouvel ordre mondial avec les Etats-Unis et l'Europe.
Par ses jeux Olympiques, Pékin donne avec éclat au monde l'image de sa nouvelle puissance.
Sur le plan politique, "les décisions radicales prises nécessitent une main de fer et sous-entendent une stabilité politique", explique M. Rocca. Le PCC écrase la révolte de Tiananmen dans le sang et garde son monopole.
Mais le "miracle chinois" se traduit par des bouleversements sociétaux majeurs.
Les Chinois se mettent à consommer, divorcer, voyager, s'habiller en couleur et manger chez McDonald's. Les millionaires apparaissent. Puis les milliardaires. Avec la bénédiction du Parti.
Mais l'inégalité se creuse avec les campagnes. La corruption est endémique, l'environnement est sacrifié sur l'autel d'un développement débridé.
Aujourd'hui, des experts prédisent un troisième grand tournant pour 1,3 milliard de Chinois: une nouvelle vague de réformes, sociales, avec de gigantesques chantiers, tels la santé ou les retraites.
"2008 marque le début du 3e temps des réformes", prédit M. Di Meglio. "Tous les efforts tournés vers l'extérieur vont se retourner vers l'intérieur", dit-il.
par Pascale TROUILLAUD (AFP)
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