jeudi 19 mars 2009

En attendant une famille pour un enfant

J'ai trouvé un article très intéressant sur le site de Québec adoption.net. Je voudrais le partager avec vous



Quand on pense à l’attente en adoption, nous pensons bien sûr à tous ces longs mois de réflexion avant de s’embarquer dans la grande aventure de l’adoption, aux longues semaines qui s’accumulent sans qu’on sache vraiment à quoi s’en tenir, aux inquiétudes ressenties quand on entend que ça va mal dans le pays d’adoption, aux rumeurs sur la fermeture prochaine ou sur l’augmentation des critères de sélection pour les adoptants, à cette horrible éventualité qu’après des mois d’attente, le projet n’aboutisse pas. L’attente, c’est toujours de très longs mois de stress pour ceux qui désirent former une famille par l’adoption.


Mais qu’en est-il de l’attente vécue par les enfants ? Étant trop petits pour exprimer leurs désirs et leur désarroi, tentons d’imaginer ce qu’ils peuvent ressentir.


Aucun orphelinat ne peut remplacer la qualité des relations qui existent dans une famille et ce, malgré tous les investissements humains et matériels qu’on y ferait. Les nouveau-nés, certains abandonnés après à peine quelques heures de leur arrivée dans le monde, doivent être dans un état de détresse incommensurable. Ils avaient probablement été rejetés dans le ventre même de leurs mères, comme un fardeau trop lourd à porter. Ils sont totalement vulnérables car ils ne savent pas s’occuper seuls d’eux-mêmes. Ils naissent dans un monde hostile pour eux. Leur mère a souvent dû les abandonner dans un endroit non protégé, la nuit, par peur d’être reconnue et jugée. Ils ont froid, ils ont faim, ils ont peur et ils ne reçoivent pas la chaleur, la nourriture, la sécurité desquelles leur survie dépend. Ils doivent attendre qu’une personne décide de s’occuper d’eux. Plusieurs meurent de non-soins, de non-tendresse, de non-maternage, car ils n’ont pas été secourus à temps. Ils n’ont pas eu la force d’attendre. L’attente possible pour le nouveau-né n’est en effet que de quelques heures après l’abandon. Non secouru, il meurt ! Neuf nourrissons sur dix ne survivraient pas à ce type d’abandon précoce, le bébé humain n’ayant pas les capacités de survivre seul dans les premières années de sa vie, encore moins durant ses premiers mois. L’humain est le plus lent des « mammifères » à pouvoir assumer son entière autonomie.

Selon le Dr Louis Couture, pédopsychiatre à l’Hôpital Douglas de Montréal : « Plus l’enfant est jeune, plus il va de sa survie de remplacer rapidement le parent (après l’abandon par la mère) ».(1)


On peut comprendre l’état de détresse du nourrisson abandonné en observant la symbiose qui existe entre une maman et son nouveau-né dans les premières semaines après l’accouchement. Ensemble, ils poursuivent le lien tissé serré lors de la grossesse. Le bébé est totalement dépendant de la disponibilité de la mère pour être nourri, lavé, pour être réconforté, pour découvrir comment vivre. Lorsque ses besoins primaires sont assouvis, il peut apprendre à jouer et à entrer en relation, il est libre de s’attacher car il n’a pas de barrière de stress ou d’angoisse. Bien en sécurité, il pourra se détacher graduellement de l’attraction maternelle en gagnant de plus en plus d’autonomie, en découvrant ce monde qui est pour lui bien réconfortant. Un début de vie totalement à l’opposé de celui du nouveau-né abandonné.


Les nourrissons qui sont abandonnés après quelques semaines ou mois de cohabitation avec leurs mères ont, pour la majorité, été nourri au sein. Lors de l’abandon, ils n’ont pas connu le réconfort d’une période de sevrage, soit un passage graduel au biberon, recommandé pour accoutumer l’enfant à prendre doucement de l’autonomie et à changer son alimentation. Le bébé privé de période de sevrage est en état de choc, il est désemparé parce qu’il a subi des pertes, celles de ses repères, celles de sa sécurité, même si celles-ci n’étaient pas parfaitement adéquates. Le stress qu’il ressent va bloquer ses développements psychique et physique lesquels ne pourront reprendre que lorsque son environnement redeviendra sécuritaire, lorsqu’une personne répondra à ses besoins primaires – manger, boire, dormir.


Les enfants placés directement dans une famille d’accueil ou une famille d’adoption auront de meilleures chances de retrouver le lien de confiance perdu à condition qu’ils y soient placés rapidement après l’abandon et que cette nouvelle relation soit adéquate (Couture*).
Pour les enfants placés en orphelinat après un abandon, la situation peut différer quelque peu selon les conditions suivantes : le ratio nounou/enfants, la formation et la compétence des donneurs de soins, la mobilité du personnel, la qualité et la quantité des aliments donnés aux enfants, l’organisation matérielle de l’établissement quant aux aires de repos, de repas, de jeux, quant à l’hygiène, etc.. Mais aucun orphelinat ne peut remplacer la qualité des relations qui existent dans une famille et ce, malgré tous les investissements humains et matériels qu’on y ferait. Les enfants sont élevés à la chaîne en orphelinat. Les levers, la toilette, les repas, les activités, les couchers sont programmés à la même heure pour tous, tous les jours de la semaine. Les occupations de la journée sont réglées et ne laissent place ni aux caprices ni aux initiatives personnelles. Pour recevoir quelque attention plus personnalisée, les enfants doivent utiliser diverses stratégies de charme, d’obéissance aveugle, quitte à faire taire leurs désirs et leurs pulsions. Ils survivent en adoptant des comportements gagnants qui vont être très difficiles à disparaître par la suite. Ils apprennent à étouffer leur caractère distinct.


Imaginez qu’une seule fois vous ne vous leviez pasmalgré les cris de votre enfant, imaginez dans quel état il serait!!!


Dans les orphelinats, les nuits sont sûrement très agitées. Avec le personnel réduit, les enfants couchés dans des dortoirs bondés ne reçoivent pas d’attention quand ils font des cauchemars, quand ils ont mal, quand leurs couches sont sales, quand ils ont froid, quand ils font de la fièvre et quand ils sont tenus éveillés par d’autres enfants qui pleurent ou qui crient. Ils doivent se sentir délaissés, sans recours, sans secours. On sait que souvent les enfants pleurent la nuit, ils ont besoin qu’on les rassure lors de cauchemars ou de terreurs nocturnes, ils ont besoin qu’on les soigne lors d’otites, de fièvres, de rhumes. Les parents de jeunes enfants connaissent ces nuits fréquemment écourtées par les pleurs de leur enfant. Imaginez qu’une seule fois vous ne vous leviez pas malgré les cris de votre enfant, imaginez dans quel état il serait !!!


Un autre traumatisme causés aux enfants d’orphelinats, c’est lorsque des adoptants viennent y rencontrer leur enfant dans son milieu de vie, plusieurs journées de suite, en présence des autres. Quelle difficile épreuve pour ceux qui restent ! D’abord, ils sont en présence d’un papa et d’une maman qui auraient pu être les leurs, puis ils ont à vivre la séparation avec leur ami qui part vers un lieu qui leur semble idyllique, enfin ils se demandent pourquoi eux, n’ont pas été choisis. Désolation ! Je me rappelle de visites dans un orphelinat où des enfants nous demandaient de les emmener avec nous. Je me souviens entre autres de Paula, 3 ans, que nous avons dû arracher doigt par doigt à mon mari désemparé à qui elle s’était cramponnée. Ses cris me hantent encore après plus de 20 ans. Pendant des années j’ai demandé à l’orphelinat ce qu’il advenait d’elle, en leur disant que nous la prendrions si elle devenait adoptable. Elle a finalement été adoptée à l’âge de 7 ans, par une famille italienne sans enfant, car selon les autorités de l’orphelinat, elle avait un criant besoin d’être l’unique centre d’intérêt. Elle a attendu plus de 5 ans à l’orphelinat avant d’être confiée à une famille. Quelle attente interminable, quelles souffrances inutiles !
Dans les pays d’origine comme dans les pays d’accueil, on justifie les longs délais pour les placer en disant viser leur intérêt. Mais, l’intérêt supérieur de l’enfant est-ce de passer des semaines, des mois, des années en orphelinat, le temps que les adultes s’entendent sur son adoptabilité ou n’est-ce pas plutôt de lui trouver une famille adéquate dans les plus brefs délais afin qu’il souffre moins ? Le temps d’attente a des conséquences beaucoup plus graves chez un enfant que chez un adulte. C’est toute la structure de son être qui est fissurée et qui ne pourra jamais être réparée tout à fait.


Comment réduire le temps d’attente pour les enfants, ce qui serait leur véritable intérêt, tout en respectant avoir pris toutes les mesures nécessaires pour les faire adopter dans leur propre famille, ou dans leur pays d’origine ? Cette question doit être débattue en toute partialité dans l’intérêt réel de l’enfant, car les ravages du temps d’attente peuvent lui être beaucoup plus nocifs que l’adoption internationale.


1 -Couture Louis. L’effet de l’abandon sur l’enfant. Actes du Colloque sur l’adoption. MSSS 1994

Claire-Marie Gagnon,Présidente La Cigogne, Printemps 2008

Source :www. quebecadoption.net

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