mardi 25 novembre 2008

Adoption, insémination : "Le non-dit gangrène les choses"

LEMONDE.FR 20.11.08 16h02 • Mis à jour le 25.11.08 10h09

Dans un "chat" au Monde.fr réalisé dans le cadre du 20e Forum Le Monde-Le Mans, consacré au thème "D'où venons-nous ? Retours sur l'origine", Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste, auteure de Famille à tout prix (Seuil), estime que les enfants adoptés ou nés par insémination artificielle "sentent les choses" et qu'il est "important qu'on ne leur interdise pas" de pouvoir connaître leur origine.

VincentB : Aujourd'hui, existe-t-il des bonnes raisons de cacher le secret des origines à un enfant ? Y-a-t-il des professionnels qui soutiennent encore cette pratique ?
Geneviève Delaisi de Parseval : Oui, je pense qu'il y a des professionnels qui soutiennent cette pratique. Peut-être d'ailleurs à juste titre, dans la mesure où l'origine de l'histoire de chacun est totalement différente. Notre "chat" concerne les enfants qui ne sont pas, à l'évidence, les enfants charnels de leurs parents. Et si l'on parle d'origine en termes générique, c'est trop vague. Vous comme moi avons peut-être des mystères dans nos origines. Ces secrets ne sont pas des secrets de filiation, mais de famille, ce qui est différent. Et je pense qu'on peut soutenir valablement qu'on ne va pas ouvrir tous les secrets de famille dont nos placards sont pleins. Pour en revenir à votre question, je pense que oui : dans certains cas, on peut soutenir qu'on peut garder le secret.

Nathalie : J'ai deux enfants : une fille aînée adoptée et un fils né par donneur anonyme. Dans les deux cas, nous leur avons expliqué notre histoire, pourquoi les choses se sont passées ainsi. Tous les deux sont conscients de leur histoire et n'ont jamais remis en question leur filiation avec nous. Les problèmes ne se posent-ils pas dès lors que l'enfant est maintenu dans un non-dit ?
Geneviève Delaisi de Parseval : Il y a deux remarques dans ce témoignage : la première, c'est sur la filiation. Il est sûr que dans aucun cas la filiation n'est remise en question. Notre droit est tout à fait clair : la filiation est toujours sociale. Donc un enfant adopté ou né par IAD (insémination artificielle avec don de sperme) est un enfant légitime de ses parents. Le deuxième point, c'est la question du non-dit. En effet, à mon sens, le non-dit gangrène les choses. Vous dites que vous l'avez dit à vos enfants, et c'est très bien.

melanie : Est-ce qu'un enfant peut sentir qu'on lui cache un secret ?
Geneviève Delaisi de Parseval : Oui, je suis absolument formelle en tant que psychanalyste. Les enfants sentent les choses. On dit que le secret suinte : ils ne posent pas toujours des questions comme le font les adultes, leurs questions sont sous forme de symptômes : faire pipi au lit, ne pas comprendre le mécanisme de la division ou de la multiplication... Les questions des enfants ne sont pas directes. C'est pour cela que le non-dit est pathogène.

jul : Un enfant adopté a-t-il forcément besoin de connaître ses parents "naturels" et les raisons qui les ont poussés à l'abandonner ? N'est-ce pas destructeur ?
Geneviève Delaisi de Parseval : Je ne suis pas tout à fait d'accord avec l'expression "parents naturels". Si l'on dit naturels, cela suppose qu'il y a des parents artificiels. Or les parents d'un enfant adopté sont deux. C'est le droit mais aussi la vérité psychique. D'abord, tous les enfants adoptés ne cherchent pas leurs parents de naissance. Mais ce que tous les travaux internationaux ont montré, c'est que ce qui est important, c'est qu'on ne leur interdise pas.
Dans toutes les lois, y compris dans notre pays, à partir de leur majorité, à l'exception des enfants nés sous X..., les enfants adoptés qui le savent peuvent aller à la Ddass, et on leur donne une photocopie de tout ce qui figure dans le dossier. Bien sûr, personne ne les oblige à y aller. Mais ils savent, tout au moins s'ils savent qu'ils ont été adoptés, qu'ils peuvent à tout moment le faire. C'est ça qui n'est pas destructeur, que ce ne soit pas interdit.

VincentB : Y a-t-il des différences entre tout déballer, rester discret, ne rien dire et mentir ?
Geneviève Delaisi de Parseval : Oui, il y a beaucoup de différences. Je crois que le respect que nous devons à tout être humain consiste à ne pas garder par-devers soi quelque chose de tout à fait intime sur l'autre, auquel soi-même on pourrait avoir droit et pas lui. Dans tous les cas, c'est un mensonge.

VincentB : Si on connaît dans notre entourage un enfant à qui les parents cachent son origine, faut-il être celui qui va lui réveler ? Si oui, comment et à quel âge ?
Geneviève Delaisi de Parseval : Je suis formelle : ce n'est pas à quelqu'un de l'entourage d'être intrusif et d'ouvrir violemment un placard rempli de secrets qui ne le regardent pas. Si ce sont des proches, on peut parler aux parents, mais sûrement pas à l'enfant directement. Celui-ci doit être informé par ses propres parents.

Chat modéré par Anne Chemin

Retrouvez la totalité du Chat sur http://www.lemonde.fr/societe/article/2008/11/20/adoption-insemination-le-non-dit-gangrene-les-choses_1121177_3224.html

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