mardi 19 janvier 2010

L'inquiétude des parents français en cours d'adoption en Haïti

Plusieurs orphelinats ont été touchés par le séisme. En France, les parents qui s'apprêtaient à adopter un enfant haïtien se mobilisent pour que les secours parviennent aux jeunes survivants.

Depuis cinq jours, ils ne dorment plus. Parents en cours d'adoption d'enfants haïtiens, ils ne savent pas si l'enfant qui leur avait été attribué a survécu au séisme, s'il est blessé, s'il est soigné, s'il a à manger, à boire, des soins... Encore moins ce qu'il va advenir de la procédure, enclenchée pour certains depuis plusieurs années.


Haïti est, pour la France, le premier pays d'adoption, avec 700 dossiers validés par an. Sur les 74 orphelinats recensés là-bas, plusieurs ont été touchés par le tremblement de terre, dont un en particulier, Notre-Dame de la Nativité, situé dans le sud-ouest de Port-au-Prince, près de l'épicentre. Totalement détruit, le bâtiment abritait 120 enfants en cours d'adoption. Au moins 62 seraient morts, ainsi qu'une infirmière, selon les informations qu'ont pu recueillir les parents depuis la France. Ces derniers se mobilisent, via notamment deux associations, Port aux Petits Princes et Enfants d'Haïti, pour que des soins soient apportés au plus vite aux survivants.

Servanne Dubreuil, déjà mère adoptive de deux petites filles colombiennes, était avec son mari en attente d'adoption d'un petit Haïtien pris en charge à Notre-Dame de la Nativité, Diego, 13 mois aujourd'hui. Le jugement d'adoption, étape déterminante dans le processus, devait être rendu ce lundi. Depuis le séisme, le couple a eu des nouvelles de Diego, il va bien. «Notre priorité, c'est d'alerter sur l'urgence sanitaire pour que ces enfants soient secourus au plus vite, insiste Servanne, épuisée. J'ai eu la directrice de la crèche (l'orphelinat, ndlr) au téléphone, certains sont blessés, il n'y a plus de nourriture du tout, très peu d'eau et de médicaments.»
«Ils dorment dehors, ils ont faim»

Même inquiétude pour Patrick et Valérie Lefrançois, en cours d'adoption de Fedna, 5 ans et demi, et Lucson, 3 ans et demi. Les deux enfants s'en sont sortis sains et saufs. Mais sur les dix couples adoptant qu'ils ont côtoyés lors de leur séjour à l'orphelinat en novembre pour l'étape de la «comparution», sept ont appris que l'enfant qu'ils s'apprêtaient à accueillir n'a pas survécu. L'un d'entre eux devait venir chercher son enfant ces jours-ci.


Depuis mercredi, les nouvelles arrivent aux parents par bribes, la solidarité s'organise. «On sait qu'ils dorment dehors dans la rue, qu'ils ont faim, s'alarme Patrick Lefrançois. Des Casques bleus sont venus sortir des corps des décombres, et trois fillettes survivantes, un miracle. Mais ils sont repartis.» Comme les autres parents, le couple s'est signalé au Quai d'Orsay, qui a mis en place une cellule de crise.



Se pose maintenant la question de savoir s'il faut rapatrier ces enfants dans leurs familles françaises, alors que les procédures ne sont pas achevées. «Selon ce que décidera le gouvernement, on se tient prêt à accueillir les enfants en France pour poursuivre la procédure», poursuit Servanne Dubreuil. Pour elle, cela ne pourra se faire que «dans le calme», dans un deuxième temps. «On s'attend à ce que ça puisse durer des mois, mais en tant que parents adoptants on est habitués à attendre.»



Pas de rapatriement collectif

D'autres parents réunis depuis vendredi dans un collectif réclament un rapatriement d'urgence, pétition à l'appui. «Nous nous sommes tous vu délivrer un agrément au terme de longs mois d'analyses de nos situations ; les dossiers de ces enfants attestent de leur adoptabilité», plaide le texte, signé par plus de 18.000 personnes ce lundi à la mi-journée. «Nous n'avons aucunement l'idée de détourner la loi haïtienne mais dans cette situation cauchemardesque, seulement la volonté de permettre à nos enfants de ne pas avoir à supporter un nouveau traumatisme dont certains ne pourront se relever.»


Pour l'heure, un rapatriement collectif n'est pas à l'ordre du jour en France, contrairement aux Pays-Bas qui ont fait partir ce lundi un avion avec une centaine d'enfants à bord. «Nous ne pouvons pas prendre des enfants en masse et les faire partir d’Haïti, alors que nous ne sommes pas certains que l’ensemble des éléments sont là», a répété ce matin sur France Inter le secrétaire d’Etat à la Coopération Alain Joyandet.


Mais, promet le quai d'Orsay, «les familles adoptantes pour lesquelles la procédure haïtienne est arrivée à son terme (...) peuvent être assurées de son retour en France dans les meilleurs délais». Des précisions seront apportées «très bientôt», ajoute-t-on, alors que beaucoup de parents ne savent pas comment interpréter les propos du ministère.


En attendant, les enfants nécessitant des soins médicaux qui ne peuvent être prodigués par les équipes d’urgence sur place sont transférés vers la Martinique, «y compris naturellement ceux qui sont en cours d’adoption par des familles françaises», précise le ministère.

Par CORDÉLIA BONAL
Le Monde 18/01/2010

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