Plus de cinq mois après la remise du rapport Colombani sur la redynamisation de l'adoption, le projet de loi a été présenté mercredi en conseil des ministres. Concernant l'adoption nationale, Jean-Marie Colombani explique au JDD.fr que le plus gros du travail est à faire sur les mentalités. Quant à l'adoption internationale, il s'agit surtout de coordonner l'action des différents intervenants.
La secrétaire d'Etat à la Famille, Nadine Morano, et son homologue des Affaires étrangères, Rama Yade, ont présenté jeudi leur projet de loi sur la redynamisation l'adoption, qui s'inspire largement du rapport Colombani. Au niveau international, qui représente 80% des adoptions en France, le nombre d'adoptions a chuté de 20% en deux ans, avec à peine plus de 3000 adoptions en 2007. Le projet prévoit donc de renforcer le rôle de l'Autorité centrale, qui sera chargée de mieux "coordonner l'ensemble des services qui se consacrent à l'adoption". Un poste d'ambassadeur pour l'adoption internationale a par ailleurs été créé, et un corps de jeunes volontaires qui fonctionnera sur le modèle des "Peace Corps" américains, sera mis en place.Sur le plan national, l'adoption stagne au plus bas depuis plusieurs années. En 2007, seuls 706 enfants nés sous le secret ou abandonnés, ont été adoptés, tandis qu'environ 20 000 enfants sont placés en familles d'accueil chaque année. Le principal enjeu de la future loi sera donc de réformer l'agrément -premère étape dans le processus d'adoption - qui était détenu par 30 000 familles françaises en 2006 pour finalement moins de 4 000 adoptions. Il s'agira aussi de simplifier la procédure d'abandon, c'est-à-dire de rendre l'adoption des enfants placés en famille d'accueil ou en établissement plus facile. Jean-Marie Colombani, ancien patron du Monde et père de cinq enfants dont deux adoptés, revient pour le JDD.fr sur ces mesures et explique leurs enjeux.
"Le problème vient de nos lois et de notre culture"
Marie-Hélène Theurkauff, membre de l'association Enfance et Familles d'adoption, affirmait en mars que s'il y a moins d'adoption c'est parce qu"il y a moins d'enfants adoptables". Etes-vous d'accord ? En France, elle a raison. A l'étranger, elle a tort. En France, le problème vient de nos lois et de notre culture, qui privilégient la famille biologique alors que l'adoption nécessite un changement radical de statuts. Il y a donc très peu d'enfants adoptables. C'est pourquoi la simplification de la procédure d'abandon est une très bonne chose. Hélène Marquié, de l'association Coeur Adoption, a confié au JDD.fr qu'elle croyait peu en cette mesure. Elle a souligné que l'article 350 du code civil relatif aux conditions de déclaration d'abandon, avait déjà été modifié en 2005 et que cela n'a rien changé...C'est pour cela que nous avons préconisé la voie consensuelle et expérimentale. Quelques départements pilotes seraient chargés de tester les nouveautés, qui seraient par la suite généralisées si elles s'avéraient efficaces. Effectivement, si le gouvernement veut aller plus vite il devra prendre des dispositions plus brutales, mais je ne suis pas sûr que cela soit souhaitable. L'adoption est un domaine sensible. Et comme tout domaine sensible, il est susceptible de créer une guerre de religion.
Quelles seront les prérogatives de l'Autorité centrale ?
Les attributions de cette Autorité, qui existe depuis plusieurs années et dépend du Quai d'Orsay, seront renforcées. Et ses moyens également. Afin que la part qui appartient actuellement à l'Etat - définir une politique, rôle de régulation... - lui revienne. De même l'Agence française pour l'adoption [AFA, créée en 2005, Ndrl] verra son rôle renforcé sur le terrain, et les moyens des organisations seront accrus.
L'AFA a beaucoup déçu depuis sa création...
C'est vrai. Justement à cause de son manque de proximité avec le terrain, et de coordination avec les organismes autorisés pour l'adoption (OAA), avec qui elle entre en concurrence dans certains pays. D'où le rôle de coordonateur de l'Autorité centrale. "Tout se joue sur le terrain"
Et quel est le rôle de Jean-Paul Moncheau?
Ce poste d'ambassadeur pour l'adoption international est très important. Il sera une sorte d'interface entre tout le monde. Et fera le lien entre les services d'adoption et les ambassades concernées (une vingtaine de pays sont dans ce cas).
En quoi consistera le réseau de volontaires type "Peace corps"?
Ils auront aussi un rôle crucial car ils seront sur le terrain justement. Tout se joue sur le terrain. Ils entreront en contact avec les orphelinats, les structures locales. C'est une très bonne initiative que de mettre des personnes volontaires et dévouées à contribution. En quoi pourront-ils empêcher les dérives du type "Arche de Zoé", comme l'a souligné Rama Yade? Comme ils seront sur le terrain, ils pourront justement davantage contrôler ce type de dérive.
Comment expliquez-vous le décalage entre le nombre d'agréments délivrés et le nombre final d'adoptions?
Cette question est très complexe. Vous me demandez de résumer un rapport de 300 pages! C'est justement le coeur du problème. Pour y remédier, nous avons préconisé de faire précéder la délivrance de l'agrément d'une période d'information et de formation pour les adoptants. Afin que l'on ait affaire à des gens résolus et conscients de ce que représente l'adoption.
Source : Propos recueillis par Marie DESNOS le JDD.fr