L'Agence française de l'adoption a engagé un partenariat avec ce pays et déjà 800 dossiers sont en attente.
Sans oser se le dire, Bruno et Cécile redoutaient cette première nuit en France. Le dépaysement total, le décalage horaire, la nouvelle maison, cette drôle de nourriture, la peur de l'inconnu... Les tout nouveaux parents d'Anna, petite poupée venue de Chine, passaient déjà en revue toutes les raisons qu'elle aurait de ne pas trouver le sommeil «après une telle épopée». C'est donc tout surpris qu'ils se sont réveillés le matin, la fillette de 15 mois encore endormie, «instantanément adaptée à sa nouvelle vie». C'était lundi, au retour de ce pays qu'ils ont choisi il y a deux ans pour adopter. Privilégié, ce couple d'enseignants du Pas-de-Calais fait partie des six premiers dossiers que l'Agence française de l'adoption (AFA) a emmenés en Chine pour inaugurer ses liens avec elle. En effet, depuis que l'agence publique a été créée, en mai 2006, c'est le premier pays avec lequel elle a souhaité engager un partenariat. «Pour des raisons démographiques évidentes», explique son président, Yves Nicolin, qui espère «un mariage heureux avec plein d'enfants».
Las, au moment où l'agence démarche la Chine, elle ignore que celle-ci, en mai 2007, va resserrer ses critères pour l'adoption internationale. La sélection devient drastique : elle exclut les célibataires, les couples non mariés ou mariés depuis moins de deux ans, les plus de 50 ans, les obèses, les malades, les handicapés, et même les non-propriétaires. Les futurs parents doivent de surcroît justifier d'un minimum de 10 000 dollars de revenus par an et par membre de la famille.
Par ailleurs, en août dernier, la Chine fait savoir qu'elle va désormais privilégier l'adoption nationale pour répondre à une demande émergente. Selon ses estimations, avec la forte croissance du niveau de vie des Chinois, 30 millions de couples seraient intéressés. D'autant que la population est toujours sous le joug de la politique de l'enfant unique, mesure des années 1980 pour tenter de freiner l'emballement démographique. Avec cette tendance au filtrage, mais aussi l'allongement des délais qui a doublé (minimum trois ans aujourd'hui), le nombre des adoptions en Chine a baissé. Alors que 12 500 petits Chinois étaient adoptés à l'international sur les 52 500 enfants adoptables en 2004, 10 000 l'ont été sur les 46 000 ces dernières années. En France, alors que 491 adoptions étaient réalisées en 2004, plaçant la Chine au deuxième rang des pays d'origine les plus sollicités derrière Haïti, seules 176 adoptions ont eu lieu en 2007.
Promesse évanouie
Une situation qui contraste avec l'accroissement de la demande des adoptants qui plébiscitent la Chine en raison de sa grande rigueur dans le traitement des dossiers, particulièrement sur le plan médical, et sur les frais engagés. Autre avantage : les enfants adoptables sont très jeunes : entre 1 et 2 ans. Un critère particulièrement apprécié des Américains qui, avec les Espagnols, adoptent le plus d'enfants chinois (55 000 depuis 1992).
Ainsi, la promesse du vivier chinois semble s'évanouir quelque peu. Tout le monde n'aura donc pas la chance de Bruno et Cécile. Actuellement, 800 dossiers pour la Chine sont en attente, rien qu'à l'AFA. En 2009, «moins de cent» devraient aboutir prévoit son président. Pour autant, «il faut continuer d'y croire, affirme Bruno, qui, déjà, s'apprête à faire de nouvelles démarches pour donner un frère ou une sœur à Anna. Particulièrement ceux qui, comme moi, ont été refusés par tous les OAA (organismes autorisés pour l'adoption, NDLR) au prétexte qu'à 40 ans on est trop âgé pour adopter ! L'AFA, elle, en tant qu'organisme public, n'a pas de critères personnels. Face au mur devant lequel on s'est retrouvé, l'agence a été une vraie bouée de sauvetage».
Source : Le figaro.fr - Delphine de Mallevoüe26/09/2008 .